La distribution de la réserve de liquidation : qu’en est-il en cas de donation de la nue-propriété des actions ?
Depuis l’exercice d’imposition 2015, les petites sociétés ont la possibilité d’affecter une partie de leur bénéfice à une réserve de liquidation lors de leur assemblée générale annuelle. Elles paient à cet effet une cotisation spéciale de 10%, et pourront distribuer ensuite cette réserve sans précompte mobilier lors de leur liquidation ou moyennant un précompte mobilier réduit de 5% après une période d’attente de 5 ans.
La constitution d’une réserve de liquidation rencontre un grand succès, car elle permet de retirer de l’argent de sa société de manière fiscalement avantageuse.
Un autre mécanisme couramment utilisé est la donation de la nue-propriété des actions d’une PME aux enfants dans le cadre d’une planification successorale. Les parents conservent ainsi l’usufruit et le droit de vote lors de l’assemblée générale, à moins que les statuts ne prévoient le contraire.
Lorsque la nue-propriété des actions a été donnée, il est important de se demander à qui revient la distribution issue des réserves de liquidation. La distribution de la réserve de liquidation est-elle perçue comme un « fruit » (qui revient à l’usufruitier) ou du « capital » (qui revient au nu-propriétaire) ?
La loi du 4 février 2020 (en vigueur depuis le 1er septembre 2021) a introduit un nouveau livre 3 dans le Code civil remodelant en profondeur la matière du droit des biens. L’article 3.163 du Code civil stipule que : « Les dividendes qui sont distribués sans affecter le capital appartiennent à l'usufruitier. Les produits exceptionnels qui sont inhérents à l'instrument financier, telle la prime accordée lors d'un rachat de ses propres actions, sont perçus par l'usufruitier. Ces produits font partie de son obligation de restitution à la fin de l'usufruit. ». Le critère distinctif est l’interposition du capital, un produit qui diminue la valeur intrinsèque des actions, contrairement à un dividende ordinaire.
Pour des raisons fiscales, les PME n’ont pas immédiatement distribué le bénéfice, le conservant plutôt en réserves en créant des réserves de liquidation. Cela altère la valeur intrinsèque des actions. En conséquence de cela, on pourrait considérer la distribution ultérieure de celles-ci pendant la période d’usufruit comme un produit. Cela serait défavorable à l’usufruitier car les produits font partie de son obligation de restitution à la fin de l'usufruit.
D’un point de vue juridique :
D’après une minorité de juristes, les distributions de ces réserves de liquidation sont automatiquement transférées à l’usufruitier, le but étant de distribuer les bénéfices à une date ultérieure et non de les « capitaliser ».
Toutefois, ils considèrent que la réserve de liquidation revient au nu-propriétaire, étant donné que les bénéfices sont ajoutés aux réserves et sont donc considérés comme faisant partie du capital.
D’un point de vue fiscal :
Pour l’administration, la distribution de la réserve de liquidation est considérée comme un dividende, c’est-à-dire un « fruit » (art. 18, §1 CIR 92).
Afin de procéder correctement, certains auteurs conseillent de distribuer le montant sur un compte commun aux nus-propriétaires et aux usufruitiers OU que chaque individu reçoive la valeur de son usufruit ou de sa nue-propriété en fonction des tables de mortalité. C’est peu pratique...
Compte tenu des divergences de points de vue, nous vous recommandons :
- Soit de déterminer dans les statuts la répartition de la réserve de liquidation entre l'usufruitier et le nu-propriétaire.
- Soit de définir clairement dans l’acte de donation que « chaque distribution des réserves de liquidation constituées conformément à l’article 184quater CIR 92 est assimilée à un fruit et revient à l’usufruitier ».
Il ne faut jamais être trop prudent !
Sandy FROESCH
Expert-comptable certifié stagiaire